Harmen, cet artiste fougueux et talentueux, sort de scène après avoir dirigé le Brass Band Buizingen. Avec le même entrain, il me parle de son expérience en tant que soliste (cornet).
Natacha : Comment te sens-tu avant de monter sur scène ?
Harmen : Je suis un peu nerveux mais je pense que tout le monde l’est un peu. C’est mon opinion bien sûr ! Mais la nervosité que moi je ressens je ne crois pas qu’elle soit très forte. C’est une nervosité assez positive je pense, parce que j’arrive souvent à la retourner en une sorte d’adrénaline. C’est beaucoup d’envie en fait, je veux faire ce concert ou cette performance assez bien – je te parle pour les fois où je joue en soliste ou alors quand j’ai de grands solos-. Je ne sais pas exactement comment je fais, mais je réussis à me donner de l’énergie, à être efficace, être concentré sur ce que j’ai à faire. C’est différent que lorsque je suis à la maison et que je travaille. Il me manque cette nervosité qui me permet d’être très efficace. Grâce à ce ressenti que j’ai sur scène, – peu importe le nom que l’on va lui donner – je ressens beaucoup plus de concentration.
J’arrive à faire des focus immédiatement quand j’en ai besoin. Je sais parfaitement ce qu’il doit se passer.
Parfois en répétition avant un concert je suis capable de me demander ce que je vais bien pouvoir manger ce soir ! (rires)
Natacha : Comment as-tu travaillé cette compétence ?
Harmen : C’est quelque chose qui est naturel je ne sais pas le contrôler. Ça a toujours été comme ça. Quand j’étais enfant je faisais 3 concours par an. Heureusement j’ai toujours eu de bons résultats. Ça m’a donné beaucoup confiance en moi.
Mais c’est marrant maintenant, peut-être avec l’âge, je ressens une différence par rapport à avant. Tu sens que les gens te voient comme un nom qui est sur le podium et tout le monde a des attentes. Et à ce moment tu te rends compte que tu ne peux plus les surprendre de la même façon.
Natacha : Comment ressens-tu cette différence ?
Harmen : C’est surtout physique. Ça m’est arrivé 2-3 fois. J’ai ressenti des tremblements. Comme si l’adrénaline se concentrait dans le corps cette fois-ci, au niveau des muscles. Le tremblement me donne l’information que mes muscles sont crispés.
Natacha : Que se passe-t-il à ce moment quand ça t’arrive ?
Harmen : Je fais du stretching. Ça me calme directement puisque tu ne peux pas trembler quand tes muscles sont tranquilles et stretchés. Je compare beaucoup avec le sport, ça m’a beaucoup appris. Plus j’avance plus je dois faire attention à moi-même pour que ma prestation soit « sur le podium ». Mais il m’est déjà arrivé d’avoir à me battre à fond techniquement et physiquement pour aller au bout des pièces. Je sentais que j’étais pressé que ce soit la fin. Ça fait peur mais ce que j’ai appris c’est que je ne dois pas rester dans cette pensée. Je dois me dire stop quand ça arrive.
Natacha : Quand je t’ai vu sur scène, j’ai senti ta joie de vivre, ton énergie et en même temps beaucoup de calme. Comment fais-tu pour communiquer ça au public ?
Harmen : Je trouve que les musiciens, de manière générale, se prennent trop au sérieux. Ça reste de la musique. C’est important de pouvoir relativiser et de se dire qu’on joue pour un public qui aime bien ce qu’on fait. Comme je te le disais plus tôt, ça peut nous rajouter de la pression parce qu’on sait qu’on est attendus. A ce moment là, je me dis : « Ok Harmen, arrête c’est que de la musique ! ». Mais mon éducation était vraiment bien. Mes parents ont honte que je sois musicien parce que c’est pas un vrai boulot pour eux. Ils ne disent pas autour d’eux que je suis musicien ils disent que je suis militaire. Et ça m’aide beaucoup en fait, parce que ça me rappelle que ce n’est pas sérieux. Et je pense que ça a une influence sur ma musique.
Natacha : Ce soir au concert, tu as dirigé le Brass Band Buizingen. Les musiciens étaient entousiasmés par la prestation. Et tout comme toi ils avaient cette énergie débordante. Que fais-tu pour les influencer dans ce sens ?
Harmen : Hmm… Je ne sais pas à vrai dire. C’est assez naturel je pense. En Nouvelle-Zélande on a l’équivalent du mental coach : ça s’appelle un motivation coach. On a eu un vieux joueur des All Blacks qui est venu pour nous aider. Je ne pensais pas que c’était nécessaire, mais quand j’ai vu le bien que ça a fait aux autres musiciens du brass, ça m’a fait réfléchir. Depuis, je remarque de plus en plus ce qu’il se passe dans un brass. Il y a toujours des personnes qui font des choses inadaptées quand ils sont en situation de stress. C’est à ce moment là qu’on aurait besoin de quelqu’un d’autre pour nous aider à faire ce travail. On ne nous l’apprend pas à nous quand on devient chef ou musicien professionnel.
Natacha : Lorsque tu enseignes, comment intègres-tu la notion du mental ?
Harmen : Pour mes élèves comme en masterclass, je parle toujours au moins 4-5 minutes du stress. Je leur donne des exercices pour se calmer, de la relaxation avec de la respiration ou du stretch. Pour moi le stress c’est pas mauvais mais quand le stress se retrouve sur le corps, là il y a un problème. Ce que je pense aussi, c’est que tant que t’es vraiment sûr de toi tu peux convaincre tout le monde que, ce que tu fais va aider, et que grâce à ça tu ne seras pas stressé. Et ça fonctionne ! Un mental coach peut nous aider à détourner notre attention pour moins stresser. En fait ce que je dis à mes élèves, c’est que tout ce qui aide… ça aide. Dans le temps j’ai été voir des masterclass de théâtre ou de chant. Si ça peut nous aider à travailler sur notre mental faut au moins essayer. Faut trouver la solution à notre problème.
Natacha : Merci Harmen d’avoir partagé ton expérience, c’était un plaisir de partager ce moment avec toi !