Mis à jour : 16 nov. 2020

Au détour d’un festival au Luxembourg, j’ai eu la chance de rencontrer Glenn, musicien belge de talent, actuellement euphonium solo au Valaisia Brass Band (Suisse). Alors que nous sommes en train d’évoquer le stress que peut ressentir un musicien avant de monter sur scène, je lui demande s’il est possible d’enregistrer notre conversation.

Natacha : A quel point dirais-tu que tu es stressé avant un concert ?

Glenn : Avec l’âge ça vient un peu plus, quand j’étais petit je jouais. Je n’étais pas trop stressé. Mais maintenant le stress est là quand je suis moins préparé je pense. Je donne des cours je dirige. Quand j’ai des concerts je n’ai plus autant le temps de me préparer que lorsque j’étais étudiant. Je joue moins par coeur je n’ai plus le temps de tout apprendre. Je fais beaucoup de choses donc il y a un côté plus stressant. J’ai une petite fille qui a un mois et c’est vrai que je passe beaucoup de temps avec elle et moins sur l’instrument. Heureusement qu’on prépare les championnats Suisse, on a beaucoup de répétitions avec le brass.

Le stress dépend de ma préparation. Si je suis bien préparé je ne ressens pas de stress parce que je sais ce que je fais et que je sais que je vais y arriver. Je sais quand je respire, comment je respire tout dépend de moi, c’est en mon contrôle. C’est différent que lorsque je dirige et que je n’ai pas le contrôle sur les musiciens. Mais en te parlant je me rends compte que les fois où j’ai le moins bien joué c’est les fois où j’étais le moins stressé. Le stress vient avec la concentration je pense… Ou inversement.

Natacha : Tu as évoqué le brass band, tu pourrais m’en dire plus ? Votre façon de vous préparer par exemple ?

Glenn : Avec Valaisia nous avons un bon travail de préparation. Nous passons en individuel avant le championnat devant notre chef de pupitre ou pour le chef. Ça nous rajoute un peu de pression et les musiciens se préparent en conséquence.

Natacha : Et quelle différence fais-tu entre votre travail individuel et le collectif ?

Glenn : On ne peut pas tout voir en collectif puisque nous ne réagissons pas tous pareil aux informations. Par exemple, pour le championnat il y a écrit Ad Libitum (libre) dans une des pièces. Le compositeur est venu me voir pour me dire que je n’étais pas obligé de le jouer. Moi je l’avais vécu comme un challenge, c’est ce que j’ai le plus travaillé pour pouvoir dire « Mais bien sûr que j’y arrive ». J’ai besoin de ça mais je sais que certains ont besoin qu’on leur donne davantage confiance. Tout le monde ne fonctionne pas pareil.

Tu vois si tu regardes le Cory entrer sur scène, ils arrivent tous avec une confiance énorme. Leur directeur leur communique ça. La confiance que donne un chef à son brass est hyper importante.

 

Natacha : De quelle manière penses-tu qu’un coach pourrait aider un brass band ?

Glenn : Ça serait super j’en suis sûr. Pour la confiance déjà, pour créer une cohésion dans l’équipe. Après un Championnat Européen, j’ai pu discuter avec Allan Withington qui vient parfois nous coacher. Il m’a dit qu’en nous voyant entrer sur scène, il savait que l’on ne gagnerait pas. Et ça je pense que c’est important de le travailler avant un concours. Avoir une personne extérieure ça serait vachement intéressant puisque nous on ne voit pas comment ça se passe, comment chacun réagit par rapport à soi ou par rapport aux autres. Un autre regard nous permettrait de savoir comment lui ou elle se met en condition pour pouvoir mieux le vivre le jour J. Personne ne parle de stress ou de ce dont il aurait besoin. C’est une super opportunité d’avoir le recul d’un coach pour nous parler de tout ce qui est « non verbal ».

Natacha : Et toi, comment tu gères ta préparation avant de monter sur scène ?

Glenn : Moi j’ai besoin de déconner, de raconter des blagues. Je ne sais pas pourquoi je n’y ai jamais réfléchi mais c’est important pour moi. Et la deuxième chose c’est que j’ai besoin de savoir que je connais des gens dans la salle et que je pourrai les regarder en entrant sur scène. J’ai réussi à me créer des habitudes pour me sentir serein et pouvoir gérer mes émotions. Pendant mes concerts de préparation je me mets en costume. Je ne joue pas pareil si je m’habille comme tous les jours ou si je suis en tenue de concert. Quand j’étais plus jeune, je me mettais devant un miroir et je m’imaginais comment c’était quand je levais la coupe. C’est important pour moi de me mettre dans toutes ces conditions pour pouvoir jouer le mieux possible. Tout ça m’aide à rester concentré.

Natacha : Comment se passent tes concerts ou concours où tu ressens plus d’émotions que d’habitude ?

Glenn : Le jour où j’étais le plus stressé, c’était le jour du championnat d’Europe à Utrecht (Pays-Bas). Pendant l’imposé j’ai pris conscience que nous étions jugés. Normalement je joue parce que j’adore jouer et je ne réfléchis pas à ça. Mais là je ne sais pas pourquoi je me disais que tous les euphoniums jouaient la même chose. Qu’on était jugés pour ce qu’on faisait. C’était bizarre c’était pas de la musique pour moi, c’était vraiment un concours. Je me sentais pas bien, j’ai dit aux musiciens que je ne ferai plus de concours, juste des concerts. Puis le lendemain pendant la pièce au choix je me sentais mieux, je ne me sentais plus comparé aux autres. Et depuis je n’ai plus eu ce sentiment.

Natacha : Quand tu dis que tu ne te sentais pas bien tu pourrais développer ?

Glenn : J’avais très mal au ventre envie de vomir un peu comme si j’avais trop bu mais ce n’était pas ça, c’était pas trop le même délire. (rires)

Natacha : Comment as-tu réussi à gérer à ce moment-là ?

Glenn : Je me suis isolé et j’ai fait beaucoup d’exercices de respiration. Quand je stresse la première chose qui ne va pas c’est ma respiration, je sens que mon coeur bat beaucoup trop vite. J’ai réussi à faire redescendre mon pouls et à me sentir mieux. Je suis resté avec « l’équipe » du brass qui était plus calme et ça m’a permis de rester serein. Par contre faut plus que ça revienne maintenant hein ! (rires) Je pense qu’avec l’âge, on commence à prendre conscience de l’impact que le public peut avoir sur nous. L’âge peut changer beaucoup de choses en fait.

Natacha : Tu peux m’en dire plus?

Glenn : J’ai commencé très très jeune à faire des concours ou être sur scène, et vers 17-18 ans je donnais des master class à des personnes qui étaient parfois plus âgées que moi. C’était pas très bien vu en Belgique je pense. Maintenant que j’ai déménagé, quand je reviens en Belgique les gens sont plus présents. Il a fallu que je m’en aille et que je grandisse pour être reconnu j’ai l’impression.

Natacha : D’après toi, à partir de quel âge un musicien doit être préparé mentalement à monter sur scène pour des auditions ou des concours ?

Glenn : En Suisse on a beaucoup de concours de solistes (slow melody, championnat suisse, championnat valaisan). On essaye d’inscrire les élèves le plus possible et on se rend compte qu’ils sont déjà très stressés. Le plus tôt possible les élèves doivent être sensibilisés. Si tu rentres sur scène avec une bonne posture, en confiance, déjà le public ne va pas t’écouter de la même façon et ça aura une influence sur ta présence même sur scène.

Natacha : Merci Glenn d’avoir pu répondre aussi finement et honnêtement à toutes ces questions.